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Oeufs contaminés : toujours déconseillés en Île-de-France

Mieux vaut s’abstenir de manger des œufs provenant de poulaillers domestiques situés en région parisienne… Une enquête de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France confirme une « pollution diffuse généralisée ». Le point sur cette contamination.

Enclos au fond du jardin, basse-cour partagée entre voisins ou poulailler pédagogique dans les écoles, pour avoir des œufs frais tous les jours… C’est sympathique, mais parfois mauvais pour la santé ! Ceux issus de poulaillers domestiques de la région parisienne s’avèrent truffés de dioxines, furanes, PCB et divers PFAS, des polluants organiques persistants (POP) toxiques pour l’humain. Au point qu’en avril dernier, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France a recommandé aux particuliers de ne plus en consommer jusqu’à nouvel ordre. Hélas, cet ordre va durer : une enquête complémentaire menée sur 25 poulaillers de la zone urbaine de Paris (1), publiée en novembre, confirme que ces polluants « sont retrouvés dans l’ensemble des 25 échantillons de sols [des parcours des poules, NDLR] et d’œufs » prélevés. Plus inquiétant, « 23 échantillons dépassent le seuil réglementaire qui s’applique aux œufs commercialisés » – l’un d’eux l’explose même, avec une teneur globale 26 fois supérieure. Tous seraient interdits s’ils étaient commercialisés.

Comment ces œufs ont-ils été contaminés ?

In utero dans les poules, ces dernières étant elles-mêmes contaminées par des insectes ou des fragments de sol imprégnés de POP, qu’elles ingèrent en picorant, ou de l’eau polluée qu’elles boivent dans des flaques. En cause, une « pollution diffuse généralisée » de l’environnement via les retombées atmosphériques, explique l’ARS. Ces substances sont essentiellement rejetées par les activités humaines (lire l’encadré). Premiers suspects, les trois principaux incinérateurs de la métropole, à Ivry-sur-Seine, Issy-les-Moulineaux et Saint-Ouen. Mais si 14 poulaillers sont effectivement situés à proximité, les 11 autres en sont plus éloignés. Pour ces derniers, peuvent être incriminés le trafic automobile et des remblais de sols composés de déchets du BTP contaminés. Pour l’un d’eux, la pollution vient probablement d’un mur du poulailler dont l’enduit ancien diffuse des PCB dans le sol en se désagrégeant.

Qui est concerné ?

Des pollutions de cette nature concernent donc les habitants de Paris et sa banlieue, mais aussi de toutes les zones urbaines denses, ainsi que celles situées à proximité d’usines émettrices de POP, d’anciennes friches industrielles ou des zones de retombées de fumées d’incendies. Divers sites gouvernementaux dressent un état des lieux des risques dits « technologiques », en particulier le portail Géorisques (www.georisques.gouv.fr) – à condition d’avoir la patience de les rechercher, et pour autant que ces informations soient consignées !

Avant d’installer un poulailler, mieux vaut donc se renseigner sur la nature du terrain : a-t-il été remblayé avec des matériaux d’origine inconnue ? Une activité industrielle est-elle (ou a-t-elle été) implantée à proximité ? Procéder à des analyses de sols, via un laboratoire agréé, peut être judicieux. « Il est utile de s’assurer que le laboratoire est accrédité Cofrac » », conseille l’ARS. Des laboratoires classés « Environnement » proposent ce type de prestation (il faut compter autour de 450 € l’échantillon pour une recherche de POP). Un moteur de recherche est à disposition sur le site du Cofrac (2).

Les sites massivement contaminés, en général des sites industriels, peuvent être partiellement nettoyés. Mais la pollution diffuse de l’environnement, elle, est présente pour des décennies, voire des siècles. Seule solution à terme, une réduction drastique des sources d’émissions des industriels comme des particuliers – ce qui passera par une réglementation plus stricte et des contrôles plus nombreux.

En attendant ce jour lointain, un particulier a peu de marge de manœuvre, d’autant qu’il « n’existe aucun traitement pour éliminer ces substances de l’organisme », souligne l’ARS. Plus de 90 % de la contamination est d’origine alimentaire ; diminuer son exposition implique donc une réduction de la consommation des aliments les plus pollués, c’est-à-dire principalement les produits animaux riches en graisses (les POP étant stockés dans les lipides) : viandes, poissons gras et fruits de mer, produits laitiers… et œufs ! C’est d’ailleurs sa teneur élevée en lipides qui fait de cet aliment un très bon marqueur de la pollution chimique.

En jaune, la zone d’unité urbaine de Paris dans laquelle il est recommandé de ne pas manger d’œufs provenant de poulaillers domestiques (source ARS).

Eone d’unité urbaine de Paris - Zone contaminée

Pas pour les enfants et les femmes enceintes

Les œufs domestiques de zones urbaines sont donc vivement déconseillés, même en les limitant à un par semaine, pour les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes (les POP pouvant être transmis au fœtus via le placenta, ou au bébé via le lait maternel) en raison d’effets perturbateurs endocriniens. Pour ces populations, les œufs du commerce sont plus sûrs, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les élevages sont localisés en zone rurale, loin des sources majeures de pollution. De plus, les pondeuses sont nourries principalement avec des aliments contrôlés, distribués sous bâtiment, et elles sont abattues plus jeunes que celles des particuliers, donc accumulent moins de POP au cours de leur (brève) existence. Les contrôles menés ces 5 dernières années par le ministère de l’Agriculture confirment une contamination limitée des élevages professionnels, en deçà des limites réglementaires, avec une nuance : ceux de plein air ou bio ont de moins bons résultats, car leurs poules, qui ont accès à des parcours extérieurs, sont plus exposées aux retombées que celles qui ne mettent pas une patte dehors.

Tournez-vous vers votre médecin ou un centre antipoison si vous êtes inquiet pour votre santé. Il est également possible de faire analyser ses œufs auprès de laboratoires spécialisés (liste sur le site du ministère de l’Agriculture). Il en coûtera autour de 650 € pour un pack dioxines-furanes-PCB-PFAS, selon l’ARS. Le prix de 300 à 400 boîtes de 6 œufs…

Limiter la casse avec des bonnes pratiques

Pour ceux qui ne veulent pas renoncer à la production de leurs gallinacées, quelques bonnes pratiques contribuent à réduire la contamination (3) :

  • nourrir les poules avec un aliment du commerce afin de limiter leur picorage d’insectes contaminés ;
  • les laisser dehors moins longtemps ;
  • servir les aliments dans des mangeoires, et non sur le sol ;
  • ne pas répandre les cendres du barbecue ou de la cheminée, riches en dioxines, sur le terrain ;
  • limiter son autoconsommation à moins d’un œuf par semaine, et alterner avec des œufs du commerce.

Les polluants organiques persistants (POP)

  • Les substances chimiques incriminées
    Quatre familles de polluants ont été recherchées par l’ARS : des dioxines et furanes (deux organochlorés), des PCB (polychlorobiphényles), ainsi que des PFAS. Tous sont dits « polluants organiques persistants » (POP) car, se dégradant très lentement, ils s’accumulent dans l’environnement et la chaîne alimentaire. Ils résultent essentiellement de l’activité humaine. Les dioxines et furanes proviennent des émissions des incinérateurs d’ordures ménagères, du chauffage urbain, du brûlage de déchets verts ou encore de la circulation routière. Les PCB se retrouvent dans des remblais pollués, des déchets industriels ou du BTP, etc. Quant aux PFAS, leurs origines sont multiples : rejets industriels et domestiques, déchets mal recyclés, mousses anti-incendie, etc. Des rejets peuvent aussi être occasionnés par des phénomènes naturels (incendies de forêt, éruptions volcaniques).
  • Impacts sur la santé
    Étant éliminés sur plusieurs années voire décennies par l’organisme, les POP s’accumulent dans les tissus graisseux et le foie. Or, ils sont cancérigènes et reprotoxiques, et peuvent être à l’origine de troubles du système immunitaire, de la fertilité et du développement du fœtus, ou encore de diabète. Ils sont aussi suspectés d’effets perturbateurs endocriniens.

Notes

(1) Cette zone comprend 410 communes incluant Paris, l’ensemble des Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, ainsi que certaines communes de Seine-et-Marne, des Yvelines, de l’Essonne et du Val-d’Oise (carte sur le site de l’ARS).

(2) https://tools.cofrac.fr/fr/easysearch/index_advanced.php